La submersion asphyxique prend, dans les études et selon les auteurs des appellations différentes. On évoque des submersions primitives, noyades asphyxiques, noyades primaires, noyades typiques, noyades vraies ou de noyé bleu.
Elle se produit classiquement chez le sujet ne sachant pas nager qui de ce fait, coule par insuffisance technique et qui se débat de longues minutes pour ne pas succomber. Le nageur confirmé se noie le plus souvent après épuisement ou lorsqu'il est victime de crampes.
Dans tous ces cas, la victime « boit la tasse », elle avale / inhale l'eau AVANT la perte de connaissance et l'arrêt respiratoire.
L'inondation des voies aériennes a de lourdes conséquences sur un corps humain vivant. Depuis la fin du XIXème siècle et les recherches sur les chiens, de très nombreux chercheurs ont mis en évidence cinq temps ou phases lors du déroulé du mécanisme de la submersion asphyxique.
1°) Phase de surprise ou de saisissement : Pendant cette phase très courte, quelques secondes, la victime s'agite, s'affole et commence à se débattre en faisant des mouvements pendulaires, elle fait « le bouchon ». Il peut se produire une pénétration peu importante de liquide dans les voies aériennes.
2°) Phase de résistance à la respiration ou apnée consciente (Environ 1 minute) : La victime se débat de plus en plus, un sentiment de panique l'envahit. Elle coule et remonte à la surface à plusieurs reprises, elle s'accroche à tout ce qu'elle peut trouver, ses mouvements sont désordonnés. Elle n'arrive plus à laisser la tête hors de l'eau et à retenir sa respiration. Une inspiration profonde finit par se faire et le liquide inonde l'arbre trachéo-bronchique. Un phénomène tussif s'ensuit entrecoupé de nouvelles inspirations d'eau. A ce stade, l'absorption d'eau peut provoquer une apnée réflexe, l'épiglotte* se ferme pour protéger les voies respiratoires et les poumons d'une inondation massive, empêchant la respiration même lorsque la tête est hors de l'eau.
3°) Phase d'inspirations profondes ou inhalation involontaire (Environ 3 minutes) : Le manque d'oxygénation des tissus et organes internes appelé en terme médical hypoxie dû à l'apnée réflexe déclenche l'envie de respirer sous la forme de réflexes thoraciques incontrôlables et entraîne de nouveau l'ouverture de la glotte puis la reprise de la ventilation. De grandes respirations profondes et rapides provoquent une inondation brutale et massive de l'arbre trachéo-bronchique et des poumons accompagnée de phénomènes convulsifs, de régurgitation, de vomissements et rejet d'une spume** blanchâtre qui a pour conséquence une diminution de l'apport d'oxygène à l'organisme. Cette déficience provoque une coloration bleutée de la peau au niveau de la face et des extrémités appelée cyanose, d'où la dénomination de « noyé bleu ». La victime, qui n'a plus la force de se débattre, est en proie à une détresse respiratoire grave avec perte de connaissance.
4°) État de mort apparente : La victime est maintenant en arrêt respiratoire mais le cœur bat encore. La présence massive d'eau dans les poumons empêche totalement l'oxygénation du sang, elle s'asphyxie. Les alvéoles pulmonaires éclatent tandis que se forme un œdème pulmonaire aigu qui est souvent fatal à la victime. A ce stade, il est encore théoriquement possible de la réanimer mais le décès va intervenir très rapidement.
5°)Décès : Après une brève agonie, un arrêt cardiaque se produit, provoquant le décès de la victime.
La noyade vraie est donc avant tout une asphyxie secondaire à la submersion dans un liquide et à son inhalation par les voies respiratoires.
Pour résumer, l'irruption de l'eau à plusieurs actions :
■ Pénétration du liquide dans les voies aériennes avec remplissage de l'arbre trachéo-bronchique, interdisant le passage de l'air ;
■ Spasme réflexe de l'épiglotte protégeant momentanément les voies respiratoires de l'agression de l'eau mais empêchant également la respiration ;
■ La reprise de la respiration entraîne alors un afflux brutal et important de liquide qui produit un traumatisme des poumons et plus précisément des alvéoles pulmonaires qui ont comme fonction primordiale de permettre les échanges gazeux entre l'air et le sang. La conséquence est une diminution importante et durable de l'apport d'oxygène aux tissus et organes ;
■ L'influence du liquide dans l'organisme et l'arrêt des échanges gazeux vont entraîner tout une série de phénomènes dont le plus grave est un œdème pulmonaire ;
■ Un arrêt respiratoire va rapidement intervenir avec une perte de connaissance. La privation continue d'oxygène va entraîner des lésions au cerveau puis s'ensuit un arrêt cardiaque.
Tous ces phénomènes vont évoluer pendant la phase dite agonique entre la pénétration de l'eau dans le corps et le décès. Cela peut avoir son importance lors du diagnostic médico-légal, car cette agonie peut-être plus ou moins longue d'un individu à l'autre. Plus elle sera longue, plus l'organisme aura manqué d'oxygène et plus l'aspect bleuté de la peau de la victime sera marqué, caractéristique du noyé bleu. Plus elle est courte, moins cette coloration est visible et le noyé peut donc être confondu avec un noyé dit « blanc ». Cette notion de noyé bleu ou cyanosé est un élément à prendre évidemment en considération, mais il convient néanmoins de rester prudent. Ce phénomène sera développé plus précisément dans la seconde partie du mémoire consacrée au diagnostic médico-légal de la noyade.
Dans le même ordre d'idée, il peut arriver dans un petit nombre de cas, que l'apnée réflexe qui intervient au tout début de la noyade persiste plus ou moins longtemps et que la glotte reste même fermée jusqu'à l'arrêt cardiaque. La victime décède d'une asphyxie mais sans eau dans les poumons. Ce phénomène est appelé « noyade sèche » ou « noyade à poumons secs » pouvant ainsi fausser le diagnostic de la noyade.
* Élément cartilagineux plat et mobile, situé derrière la racine de la langue et relié au larynx qui permet d'obstruer l'entrée de la tachée par la fermeture de la glotte au moment de la déglutition.
**Liquide ressemblant à l'écume avec de grosses bulles et constitué d'un mélange d'eau et d'air, qui s'effectue lors des mouvements respiratoires dans le liquide et qui s'extériorise par le nez et la bouche.
Mots clés : Noyé bleu ; submersion asphyxique