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14 février 2012 2 14 /02 /février /2012 12:00

L'intérêt du monde scientifique pour le mécanisme de la submersion et la préoccupation de l'autorité publique pour le secours aux noyés ne sont pas chose récente. La noyade a depuis fort longtemps suscité des d'interrogations, fait l'objet de recherches, généré des systèmes de réanimation plus ou moins farfelus, voir dangereux, et même inspiré la rédaction de textes de prévention.

 

Déjà sous le règne de Louis XIV, la prévention des risques liées à la noyade des enfants était une inquiétude de l'administration. Une ordonnance royale du 18/11/1701 obligeait les particuliers à faire entourer les puits et les bassins d'une margelle (Pierre ou assise de pierres qui forme le rebord d'un puits, d'une fontaine ou d'un bassin) de sécurité.

 

Pendant très longtemps, les professeurs d'anatomie et les médecins pensaient que le décès par la noyade était provoqué par l'absorption d'une trop grosse quantité d'eau. A cette époque, la plus grande confusion régnait dans le monde médical. Du XVIIIème siècle à la première moitié du XIXème siècle, on ne savait pas différencier les diverses formes d'asphyxie (strangulation, pendaison, gaz toxique et bien évidemment la submersion). C'est pour cela, que jusqu'à la première partie du XVIIIème siècle, la première action à entreprendre sur un noyé était de lui faire recracher l'eau qu'il avait pu avaler. Le malheureux était alors suspendu par les pieds ou roulé dans un tonneau. Si l'eau ne l'avait pas encore tué, le traitement infligé finissait le travail.

 

De très nombreuses techniques furent mises au point jusqu'à la fin du XIXème siècle par les scientifiques de l'époque comme François-Emmanuel Fodéré (médecin et botaniste français - 1764-1835) ; Antoine Portal (professeur d'anatomie au collège de France et au jardin du Roi - 1742-1832) ; Philippe-Nicolas Pia (apothicaire et échevin de Paris, pionnier du secourisme en faveur des noyés - 1721-1799) et bien d'autres. Il n'est pas possible de citer toutes les méthodes mais nous retiendrons à titre d'exemple celle décrite par Fodéré. Selon lui « l'idéal serait de déshabiller le noyé, de le sécher et de déposer son corps dans un lit modérément chaud. Il faut ensuite que la tête soit placée sur un coussin un peu dur, il convient alors de garnir les creux des aisselles, des aines et des parties sexuelles de pièces de laines chaudes, de même que les pieds ». Fodéré écrivit également que pour venir en aide aux noyés, la machine fumigatoire de Pia pouvait être une aide utile aux secours.

 

Cette machine imaginée par Philippe-Nicolas Pia fut disposée le long de la seine dans des boites-entrepôts contenant le mode d'emploi et tout le matériel nécessaire pour secourir les noyés. Son fonctionnement était basé sur l'excitation du système nerveux. Les sauveteurs devaient déshabiller le noyé, l'essuyer avec de la flanelle, le couvrir d'un bonnet puis faire entrer de l'air dans les poumons en soufflant dans la bouche par le moyen d'une canule, et enfin introduire dans les intestins de la fumée de tabac par le fondement, en se servant de la machine umigatoire, tout en chatouillant le dedans du nez et de la gorge avec une plume et en frottant la surface du corps avec une flanelle imbibée d'eau-de-vie.

 

boite-fumigation-pia.jpg

http://reanim.free.fr/procedes/p_fumigation/p_fumigation.html

 

 La mort par submersion intrigue le monde scientifique qui va continuer inlassablement à étudier et tenter de comprendre ce phénomène. En France, un médecin Antoine Louis démontra que c'est l'introduction de l'eau dans les poumons par les mouvements respiratoires qui entraîne le décès de la victime. Il préconisait déjà l'insufflation par le bouche à bouche comme moyen efficace de réanimation.

Il fallut attendre les années 1880 pour que le processus de l'asphyxie par submersion puisse enfin être expliqué clairement. On doit cette avancée médicale aux expériences menées sur des chiens que l'on plongeaient dans l'eau pour étudier leurs comportements au cours de la noyade. La société médico-chirurgicale de Londres, Paul Bert, Paul Brouardel, Paul Loye et d'autres vont tour à tour ou par des travaux communs, faire avancer la compréhension du mécanisme de la noyade, identifier les différentes phases de la noyade et décrire les signes extérieurs et internes de la noyade.

 

Mais dès le début de XXème siècle, les médecins légistes et experts perçoivent la grande difficulté d'interprétation de tous ces signes pour établir un diagnostic fiable de la submersion vraie. Les recherches vont alors se poursuivre pour identifier d'autres phénomènes physiologiques permettant d'apporter des preuves concrètes supplémentaires d'identification de la noyade. Dans les années 1910, seul la présence d'un volumineux champignon de mousse présent dans les voies aériennes attestait avec une quasi certitude de la mort par submersion.

 

Mots Clés : Submersion ; Noyade ; Réanimation ; PIA ; Fumigation

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12 février 2012 7 12 /02 /février /2012 14:00

La noyade subsista en Europe comme mode d'exécution jusqu'à la fin du XVIIIème siècle. Elle fut supprimée en Angleterre en 1623, en Suisse en 1652, en Autriche en 1776, mais c'est chez nous en France, à Nantes pendant la révolution française, qu'elle connut son apogée en atteignant le point culminant de la cruauté humaine.

 

La fin de l'année 1793 voit la jeune république française dans une situation très préoccupante. Elle est en guerre contre ses puissants ennemis qui sont l'Autriche et la Prusse, la disette menace les villes et les campagnes et l'insécurité règne sur les routes. Mais la Convention est plus particulièrement soucieuse de l'insurrection royaliste des Chouans en Vendée qui gagne du terrain dans le grand Ouest. Afin de remettre de l'ordre dans cette région, la Convention mandate un jeune député de 37 ans Jean-Baptiste CARRIER avec comme mission de se rendre à Nantes pour faire cesser les révoltes vendéennes par tous les moyens, même les plus extrêmes.

 

Très rapidement, le jeune député procède à des milliers d'arrestations, de familles entières, de vendéens, d'hommes d'églises, suspects de conspirer contre la république. Bientôt les prisons sont bondées mais la ville de Nantes est toujours le théâtre de complots royalistes, de scènes de violences, d'attentats et surtout d'un manque de ravitaillement. Ne pouvant plus nourrir tous les prisonniers, Jean-Baptiste CARRIER décide d'accélérer la procédure judiciaire d'une manière expéditive. Il cherche alors une manière simple, économique et rapide d'exécuter les condamnés. La Loire qui traverse la ville de Nantes va donc être le théâtre de l'une des pires pages de la révolution française sous le régime dit de la Terreur.  

 

De novembre 1793 à Janvier 1794, environ 5000 personnes, hommes, femmes, enfants, prêtres seront entassés dans des embarcations qui seront coulées au milieu de la Loire. Tous ces gens mourront noyés dans ce que Carrier appellera la « Baignoire Nationale ».  

 

LES-NOYADES-DE-NANTES.jpg

Gravure de Duplessis-Bertaux / http://www.diagnopsy.com/Revolution/Rev_061.htm

 

En Février 1794, Carrier est rappelé devant la Convention afin de s'expliquer sur ses méthodes trop extrêmes au goût des parlementaires. Il est finalement jugé et reconnu coupable de cruauté excessive par le tribunal révolutionnaire de Nantes. Il est condamné à mort et périra non pas par l'eau mais par la lame de la guillotine.  

 

Mots clés : Noyade ; Nantes ; Carrier ; Révolution

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8 février 2012 3 08 /02 /février /2012 18:00

Depuis les origines de l'humanité, l'homme, dont la cruauté et l'imagination à faire mourir son prochain n'est plus à démontrer a très souvent utilisé l'eau comme moyen de torture et de châtiment.

De l'antiquité, jusqu'à la fin du XVIIIème siècle, la mort par noyade a très souvent été utilisée comme mode d'exécution des décisions de l'autorité judiciaire. Comme le feu, l'eau est un symbole important des croyances humaines, elle est source de vie, elle purifie, nettoie, épure et peut même être sacrée. C'est pour toutes ces raisons que la noyade est un paradoxe, l'eau reprenant la vie qu'elle a elle même donné.

      NOYADE-EXECUTION.jpg

          Image provenant du site http://www.peplums.info

 

La noyade a été employée avec une certaine régularité dans l'Europe du Moyen Age et tout particulièrement dans les pays du bassin méditerranéen. Le condamné était soit entravé, soit lesté ou fixé, mis en sac avec un animal (chat, singe, coq ou serpent) puis était précipité soit dans l'eau de mer, lac, rivière, marais et parfois même dans un tonneau. Ce mode d'exécution dit « non brutal » était réservé plus particulièrement aux femmes infidèles ou coupables d'avortement, aux infanticides et aux parricides.

A Constantinople, sous la période Ottomane, les femmes adultères du harem étaient jetées dans le Bosphore une pierre autour du cou. Plus proche de nous, en Lorraine au début du XVIIIème siècle, les jeunes filles ou veuves coupables d'avortement étaient impitoyablement condamnées à la mort par noyade et précipitées dans la rivière du haut d'un pont.

Plus rarement, les hommes pouvaient se voir appliquer cette technique d'homicide. Dans la Grèce antique, la coutume pénale voulait que les traites, les brigands et les tyrans périssent par l'eau. Durant l'antiquité et le moyen âge, la mort par submersion était réservée aux traîtres et aux lâches au combat. Au XVIème siècle, ce supplice était plus particulièrement destiné aux coupables de crimes sexuels et de sodomie.

Au moyen âge, l'immersion était également utilisée lors de l'épreuve par la noyade avec des femmes suspectées de sorcellerie. Selon la légende, les sorcières seraient plus légères que l'eau et flotteraient donc naturellement. En conséquence, la présumée sorcière était jetée dans un lac ou un fleuve pieds et mains liés. Si elle descendait au fond de l'eau et se noyait, elle mourrait innocentée. Si elle flottait, la preuve était faite, elle était accusée de sorcellerie et condamnée au bûcher.

Nous pouvons également évoquer les exécutions extra-judiciaires comme celles perpétrées par les pirates. La noyade était pour eux un moyen simple de se débarrasser des survivants des navires capturés, lorsqu'ils ne pouvaient être échangés contre rançon. Ajoutons enfin, plus proche de nous, « la brasse sicilienne », technique d'élimination employée par la mafia consistant à jeter le malheureux à la mer les pieds emprisonnés dans un seau de ciment à prise rapide.

La noyade a été employée par la justice des hommes comme une forme dite « non brutale » de peine capitale, non destructrice physiquement et a donc été principalement réservée aux femmes.

 Mots clés : Noyade ; Exécution ; Torture ; Châtiment

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  • : NOYADE - CRIMINALISTIQUE & PREVENTION
  • : Dans le cadre d'un Master en criminalistique, j'ai rédigé un mémoire sur le thème de la noyade et de son diagnostic médico-légal. Ce petit blog sans prétention et une manière pour moi de vous faire partager mon travail dans ce domaine, afin qu'il puisse continuer à vivre et exister à l'issue de la soutenance.
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